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Rédaction WEB : JUST DEEP CONTENT

L’arrêté du 6 janvier 2021 faisant suite à l’ordonnance du 4 novembre 2020 n’est pas un simple rappel des exigences pratiques de la LCB-FT. Il en change fondamentalement la portée. Explications.

La récente publication de l’arrêté du 6 janvier 2021 fait suite à celle de l’ordonnance du 4 novembre 2020. Ces deux textes redéfinissent le cadre réglementaire (mais pas législatif) de la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et le gel des avoirs.

Mais surtout l’arrêté du 6 janvier 2021, s’il réaffirme le panorama des exigences de LCB-FT (lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme), fait du sujet de l’arrêté du 3 novembre 2014 relatif au Contrôle interne une matière renforcée, autonome et transversale. Rien ne change véritablement mais tout change fondamentalement.

Pour étudier la portée de ces textes, nous envisageons tout d’abord leur impact sur les interactions des entités concernées avec leur environnement, avant d’analyser leurs conséquences en termes d’organisation interne.

les entités concernées par l’arrêté du 6 janvier 2021 : une interaction clarifiée avec leur environnement

Harmonisation des dispositions de LCB-FT des activités bancaires et non bancaires, renforcement des mesures de gel des avoirs et sanction internationales, approche par les risques et sources internationales, prestataires extérieurs, tierce introduction, opérateurs exerçant via des agents ou distributeurs, autant de sujets développés par ces textes et encadrant les relations des entités assujetties.

harmonisation des régimes de lcb-ft pour les activités bancaires et non bancaire

Le titre même de l’arrêté nécessite un commentaire : le texte est « relatif au dispositif et au contrôle interne en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de gel des avoirs et d’interdiction de mise à disposition ou d’utilisation des fonds ou ressources économiques. »

C’est une avancée majeure que de lier officiellement la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme avec ce que nous appelons communément dans la pratique « les sanctions internationales ». Les deux aspects étaient certes associés en pratique mais le corpus de textes applicables jusqu’ici disparates et leur prise en compte nécessairement différenciée. Ce n’est plus le cas dorénavant.

D’autre part, la liste des « organismes assujettis » énoncée à l’article 1er de cet arrêté est plus vaste que celle de l’article 1er de l’arrêté du 3 novembre 2014 relatif au Contrôle interne spécifique au secteur de la finance.

 La liste englobe en effet, outre les assujettis du secteur de la finance et du secteur des services de paiement et de monnaie électronique, le secteur des assurances et certains prestataires de services d’investissement ainsi que les prestataires de services sur actifs numériques.

 La conjonction de ces deux éléments démontre une volonté claire d’élargir les exigences à tous les professionnels du monde de la finance et de les harmoniser.

 L’arrêté ne reprend pas la liste exhaustive des professionnels soumis aux exigences de LCB-FT par l’article L 561-2 du Code Monétaire et Financier. L’arrêté se concentre sur la finance au sens large du terme.

 Néanmoins, par son champ d’application, l’arrêté élargit les obligations réglementaires en matière de LCB-FT à quasiment tous les acteurs financiers et ceci indépendamment de l’arrêté du 3 novembre 2014 précité. Il participe en cela en une autonomisation de la matière LCB-FT.

Arrêté du 6 janvier 2021
Plan synthétique
Relatif au dispositif et au contrôle interne en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de gel des avoirs et d’interdiction de mise à disposition ou d’utilisation des fonds ou ressources économiques

Chapitre préliminaire

Article 1

Définitions

Chapitre 1er - Dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

Article 2

Classification des risques (modalités et sources)

Article 3

Responsable LCB-FT (missions)

Article 4

Objectifs du dispositif de gestion des risques

Article 5

Obligation de formalisation écrite du dispositif et des procédures

Procédures internes

Article 6

Contenu minimal des procédures internes

Article 7

Procédures spécifiques chèque

Article 8

Procédures spécifiques tierce introduction

Article 9

Procédures spécifiques externalisation

Article 10

Contenu du contrat d’externalisation

Chapitre 3 - Dispositifs et procédures internes en matière de gel des avoirs et d’interdiction de mise à disposition

Article 11

Objectif du dispositif

Article 12

Contenu minimal des procédures internes en matière de gel des avoirs et d’interdiction de mise à disposition

Chapitre 4 - Contrôle interne

Article 13

Objectif du dispositif de contrôle interne

Article 14

Indépendance de la fonction de contrôle

Article 15

Responsabilité du responsable du contrôle permanent LCB-FT

Article 16

Modalités du contrôle périodique

Article 17

Responsable du contrôle périodique

Article 18

Modalités du contrôle interne en fonction de la spécificité d’exercice de l’activité

Article 19

Cas spécifique de l’organe central

Chapitre 5 - Dispositions applicables aux Groupes

Article 20

Définition des entreprises mères

Article 21

Responsabilité dans l’établissement de la classification des risques

Article 22

Responsabilité dans la mise en place d’une organisation et des procédures

Article 23

Objectifs de l’organisation et des procédures élaborés par les entreprises mères

Article 24

Exigences quant aux procédures et mesures de contrôle interne des entreprises mères

Rôle des dirigeants

Article 25

Responsabilité de s’assurer du respect des obligations

Article 26

Détail des Responsabilités

Article 27

Rapport sur l’organisation des dispositifs de contrôle interne de LCB-FT

Chapitre 7 - Dispositions diverses

Article 28

Cas de recours à des agents, des services de paiement ou des distributeurs de monnaie électronique

Article 29

Modification de l’arrêté du 10 septembre 2009

Article 30

Modification de l’arrêté du 3 novembre 2014

Chapitre 8 - Dispositions relatives aux collectivités d’outre-mer

Article 31

Modification de l’arrêté du 10 septembre 2009

Article 32

Modification de l’arrêté du 21 décembre 2018

Article 33

Modification de l’arrêté du 11 septembre 2015

Article 34

Application à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous certaines adaptations (énoncées)

Entrée en vigueur

Article 35

Délai d’1 an pour mettre en conformité les contrats d’externalisation mentionnés à l’article 10. Entrée en vigueur au 1er mars 2021 de l’arrêté

Publication

Article 36

Publication au Journal Officiel

l’ordonnance du 4 novembre 2020 renforce et l’arrêté du 6 janvier 2021 consacre l’importance du gel des avoirs et des sanctions internationales

L’arrêté attribue un chapitre entier (chapitre 3) aux dispositifs et procédures internes en matière de gel des avoirs et d’interdiction de mise à disposition. C’est dire l’importance donnée à cet aspect, déjà objet de l’ordonnance du 4 novembre 2020.

Concrètement, entre autres dispositions, cette ordonnance a introduit, via son article 3, un mécanisme d’application directe et sans délai des mesures de gel des avoirs décidées par le Conseil de Sécurité des Nations Unis.
Conformément aux prescriptions de l’ONU, l’article 4 de l’ordonnance a également étendu l’obligation d’appliquer les mesures nationales de gel et d’interdiction de mise à disposition ou d’utilisation de fonds ou ressources économiques, à toute personne physique ou morale ayant un lien de rattachement avec le territoire national.

Il est précisé que cette ordonnance s’applique à tous les professionnels énumérés à l’article L 561-2 du Code Monétaire et Financier précité et s’applique donc à l’ensemble des assujettis à des obligations en matière de LCB-FT. Son champ d’application est donc plus vaste que celui de l’arrêté.

C’est donc à la lumière de cette ordonnance qu’il faut analyser le chapitre 3 de l’arrêté qui, certes, ne fait que confirmer le dispositif dédié à mettre en place mais lui donne ainsi une importance toute particulière, que ne peuvent ignorer les professionnels assujettis.

L’arrêté réaffirme le principe largement repris dans la réglementation, d’adaptabilité des exigences aux réalités d’exercice de l’activité, en fonction de critères objectifs tels que leur organisation, leurs procédures de centralisation ou de coordination de l’analyse et de traitement des alertes détectées.

Toutefois, l’article 12 de l’arrêté précise que les procédures internes dédiées à cet aspect de la LCB-FT doivent porter sur les modalités :

  • d’analyse des alertes 
  • de mise en œuvre des mesures de gel des avoirs et d’interdiction de mise à disposition ou d’utilisation de fonds ou ressources économiques
  • de levée de ces mesures
  • d’information du ministre chargé de l’économie lors de la mise en œuvre de ces dispositions.

La publication récente de ces deux textes va dans le sens indéniable de la consécration des mesures de gel des avoirs et d’interdiction de mise à disposition ou d’utilisation de fonds ou ressources économiques, quelle qu’en soit la source (nationale, UE (Union européenne) ou CSNU (Conseil de Sécurité des Nations-Unies)).

L’objectif est ici de coordonner les mesures à l’échelon international, afin qu’aucun assujetti ne puisse contourner une sanction internationale émise à l’encontre de l’un de ses clients (ou prospect).

renforcement de l’approche par les risques et précision quant à la prise en considération de certaines sources internationales (article 2 de l’arrêté)

L’arrêté reprend également à son compte l’approche par les risques qui a cours en matière de LCB-FT et de conformité en général. Il mentionne expressément l’article L. 561-4-1 du Code Monétaire et Financier qui précise que la classification des risques s’élabore « (…) en fonction de la nature des produits ou services offerts, des conditions de transaction proposées, des canaux de distribution utilisés, des caractéristiques des clients, ainsi que du pays ou du territoire d’origine ou de destination des fonds ».

L’arrêté réaffirme également, en son article 2, que ces 6 axes réglementaires de la classification des risques doivent être utilisés « préalablement au lancement de nouveaux produits, services ou pratiques commerciales, y compris le recours de nouveaux mécanismes de distribution et à des technologies nouvelles ou en développement, en lien avec des produits et services nouveaux ou préexistants. »

Toutefois, l’arrêté innove car, à ces exigences préexistantes, il ajoute une autre dimension : il précise en effet que « pour élaborer la classification des risques, les assujettis prennent notamment en compte » :

  • les informations diffusées par le ministre chargé de l’économie;
  • celles transmises par TRACFIN
  • les informations communiquées par le Groupe d’action financière (GAFI) et notamment les listes des juridictions à haut risques ou sous surveillance qu’il établit
  • les publications de l’OCDE et notamment les listes publiées conjointement avec l’UE relatives aux juridictions non coopératives en matière fiscale ou adoptées en application de l’article 238-0 A du Code général des impôts.
  • les publications de l’Union européenne et notamment les listes des pays tiers à haut risque établies par la Commission européenne en application de l’article 9 de la Directive (UE) 2015/849 du 20 mai 2015 (autrement appelée « la 4è Directive anti-blanchiment »).

Ces précisions ne sont que la consécration de la position de l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Régulation) formulée lors de ses récentes décisions en la matière (voir en cela notamment la décision rendue le 24 décembre 2020) mais leur reprise au sein de cet arrêté les rend opposables à tous les assujettis du monde financier au sens large.

Ceci renforce encore plus l’importance et l’impact des sources « internationales » sur la veille réglementaire et l’exercice de l’activité des assujettis exerçant sur le territoire français.

renforcement des contrôles pour les prestataires extérieurs (articles 9 et 10 de l’arrêté)

Le recours à un prestataire extérieur a déjà donné lieu à de nombreuses précisions émanant tant de l’ACPR, que de l’AMF, ou encore du Code Monétaire et Financier et de l’arrêté du 3 novembre 2014, sans compter les récentes orientations idoines de l’EBA (European Banking Authority). La matière était donc clarifiée pour les professionnels assujettis.

L’arrêté apporte néanmoins sa pierre à l’édifice en faisant la synthèse des préconisations déjà existantes et en les adaptant à la matière spécifique qu’il vise, à savoir la LCB-FT.

Au-delà de l’obligation d’informer l’ACPR de la conclusion d’un contrat d’externalisation, il apporte une plus grande sécurité juridique aux assujettis et une base réglementaire indéniable.

L’arrêté énonce ainsi les dix précisions à détailler obligatoirement dans le contrat d’externalisation à savoir :

  • le détail des tâches externalisées
  • l’obligation d’information qui pèse sur le prestataire en cas d’impact sensible sur la capacité de mener à bien lesdites tâches
  • l’obligation de fournir au prestataire les informations nécessaires à l’exercice desdites tâches
  • l’obligation pour le prestataire de prévoir un mécanisme de secours et de continuité
  • l’obligation pour le prestataire de transmettre à l’assujetti toute information nécessaire à l’accomplissement de ses obligations en matière de LCB-FT
  • les exigences en matière d’obligation de formation dans le chef du prestataire
  • les modalités de protection des informations confidentielles et de secret professionnel
  • les modalités de contrôle sur le prestataire externe (contrôle sur place et sur pièces)
  • l’interdiction de modification substantielle unilatérale de la prestation
  • l’obligation de donner accès à l’ACPR ou à toute autorité étrangère équivalente dans le cadre d’un contrôle (sur place et sur pièces).

Sur ce point précis, l’arrêté n’innove pas véritablement mais donne une envergure nouvelle à des recommandations et exigences disparates qu’il rend opposables à tous les assujettis.

les conditions de mise en place de la tierce introduction sont également réaffirmées (article 8 de l’arrêté)

Le cas spécifique de la Tierce introduction fait l’objet de l’article L 561-7 du Code monétaire et financier qui en précise notamment le régime juridique et les modalités. Il fait également l’objet de recommandations de l’ACPR, de l’AMF et du GAFI (n°17).

Toutefois, l’arrêté ajoute des éléments d’un point de vue opérationnel en précisant les dispositions qui doivent être visées dans les procédures internes de l’organisme assujetti à savoir les modalités :

  • de mise en œuvre des obligations en matière d’entrée en relation
  • de sélection des tiers introducteurs selon une approche par les risques qui prend notamment en considération :
    • le risque pays de ce dernier
    • les obstacles juridiques éventuels relatifs à la transmission des informations nécessaires à la LCB-FT
    • l’équivalence de supervision et de réglementation auxquelles le tiers introducteur est soumis, notamment en matière de conservation des données
  • de contrôle par l’organisme assujetti:
    • des mesures prises par le tiers introducteur
    • de la qualité des informations et documents transmis par ce dernier.

Là encore, l’arrêté n’innove pas véritablement mais donne une envergure nouvelle à des recommandations et exigences disparates qu’il rend ainsi opposables à tous les assujettis.

le cas particulier des opérateurs exerçant en france via des agents ou des distributeurs

L’article 28 de l’arrêté vient quant à lui apporter une précision supplémentaire en phase avec l’évolution du monde de la finance.

Il dispose en effet que le recours à :

  • des distributeurs de monnaie électronique rend également applicable la mise en œuvre des dispositions de l’arrêté relatives au dispositif LCB-FT (chapitre 1er), aux procédures internes (chapitre 2) et au dispositif spécifique au gel des avoirs (chapitre 3), tout en prenant en considération les spécificités des risques inhérents à ces recours.

Les modes de distribution et de commercialisation ne doivent donc pas faire obstacle à la mise en œuvre des exigences centralisées par l’arrêté en matière de LCB-FT, qui a vocation à s’appliquer en toutes circonstances.

L’arrêté du 6 janvier 2021 innove plus par sa forme que par son contenu lorsqu’il envisage les interactions des assujettis avec leur environnement. Analysons maintenant les conséquences de l’arrêté en termes d’organisation interne.

les exigences en matière d’organisation interne, de gouvernance et de procédures réaffirmées

En termes d’organisation interne des entités assujetties, l’arrêté du 6 janvier 2021 distingue la conformité spécifique du LCB-FT, précise les exigences des procédures internes, renforce les dispositifs de gel des avoirs, inclut les filiales des groupes dans ces principes et rappelle le partage des tâches et des responsabilités.

dissociation de la conformité spécifique à la lcb-ft et organisation du dispositif de contrôle interne lcb-ft (chapitre 4)

L’arrêté commence par fixer le cadre désormais applicable à tous les professionnels assujettis, défini par les articles R. 561-38-3 et R. 562-1 du Code monétaire et financier.

Ces dispositions s’appliquent désormais à tous les professionnels qu’ils soient soumis au régime dit « solvabilité II » et au règlement délégué du 10 octobre 2014 (les entreprises d’assurances) ou à l’arrêté du 3 novembre 2014 (les entreprises du secteur de la banque, des services de paiement et des services d’investissement soumises au contrôle de l’ACPR).

L’arrêté précise le contour spécifique minimal dans le domaine de la LCB-FT.

Ainsi, le dispositif de contrôle interne doit-il avoir pour objet de vérifier les six aspects suivants :

  • la conformité des opérations exécutées
  • le respect de la politique définie par la gouvernance
  • la qualité de l’information destinée au responsable de la mise en œuvre du dispositif LCB-FT
  • l’exécution sans délai (ou dans des délais raisonnables) des mesures correctrices
  • la mise en place par les filiales et les succursales établies à l’étranger du dispositif de contrôle de la conformité des opérations
  • la qualité des systèmes d’information et de communication nécessaires à la mise en œuvre des obligations de LCB-FT (notamment en matière de gel des avoirs).

L’article 16 fait quant à lui un focus sur la périodicité des contrôles qui doivent permettre « aux organismes assujettis de contrôler, sur une période aussi courte que possible et qui ne saurait excéder cinq ans, l’ensemble de leur activité. »

Les places respectives du contrôle permanent et du contrôle périodique sont ainsi réaffirmées par l’arrêté qui dispose en outre que « les moyens affectés par l’organisme assujetti au contrôle sont suffisants pour permettre le contrôle de l’ensemble de son activité durant la période mentionnée » de cinq années.

Autre point important, l’arrêté détaille la suite à apporter aux rapports des contrôles réalisés, tant en termes de périodicité que de destinataires. Autant de précisions qui rentrent maintenant dans le champ réglementaire.

En matière de contrôle interne, l’arrêté uniformise le corpus réglementaire applicable et y apporte des précisions louables, s’inscrivant dans la droite ligne des dispositions antérieures à l’arrêté mais leur conférant une dimension nouvelle.

le rappel des exigences en matière de procédures internes

Il en va de même des exigences concernant les procédures internes. L’arrêté se situe dans la lignée de la pratique mais apporte un niveau de détail appréciable pour les professionnels.

Les procédures font l’objet d’un chapitre complet et constituent l’un des piliers de l’arrêté.

L’article 6 liste ainsi les points spécifiques à la LCB-FT que doivent reprendre les procédures. Celles-ci constituent un dispositif de maîtrise du risque essentiel pour les activités financières. Elles sont d’autant plus importantes qu’elles sont élaborées en interne et ont également une incidence sur la responsabilité de la gouvernance.

L’arrêté est en cela une aide précieuse car il énumère les points que ces procédures doivent traiter, à savoir les modalités :

  • d’élaboration de la classification des risques
  • de vigilance mises en œuvre à l’égard de la clientèle (lors de l’entrée en relation et en fonction du profil de risque de la relation d’affaires)
  • de définition du profil de risque de chaque relation d’affaires (l’arrêté détaille également les éléments à prendre en considération)
  • de mises à jour du profil de risque
  • de l’examen renforcé
  • d’information et de déclaration à TRACFIN
  • de partage des informations nécessaires à la LCB-FT
  • de protection de la confidentialité des déclarations de soupçon
  • de conservation des informations et des documents (ce point est très détaillé en fonction de la nature de l’information et/ou du document).

Toutes ces précisions ne peuvent qu’être saluées par les professionnels car elles constituent une sécurité juridique supplémentaire dans le cadre de leur activité. Elles s’inscrivent certes dans la pratique et les recommandations déjà existantes mais leur donnent une base réglementaire plus solide.

L’arrêté va encore plus loin dans le détail qu’il procure aux professionnels lorsqu’il envisage, dans son article 7, le cas spécifique de l’encaissement de chèque et y énumère le détail des procédures dédiées.

Nous ne pouvons que nous réjouir de ce degré de détail apporté par l’arrêté en matière de procédures internes. Il vient en cela standardiser les pratiques existantes et apporter de la sécurité juridique aux professionnels.

renforcement des exigences en matière de gel des avoirs

Ce sujet est considérablement renforcé par la publication de l’ordonnance du 4 novembre 2020 et l’arrêté du 6 janvier 2021, par la prise en considération de sources externes et internationales.

Il constitue en effet un sujet fondamental de l’arrêté du 6 janvier 2021 qui lui consacre le chapitre 3 intégralement.

Sur la base du Code monétaire et financier auquel il fait référence, l’arrêté précise, dans son article 11, les exigences minimales en matière de dispositif de gel des avoirs et détaille à nouveau le contenu des procédures dédiées en son article 12.

S’il tient certes compte de la spécificité de l’activité des organismes assujettis, le dispositif à mettre en place doit permettre de détecter les opérations ayant pour effet de contourner sciemment ou volontairement les mesures de gel des avoirs. Il doit également permettre de centraliser et coordonner l’analyse et le traitement des alertes générées par ces détections.

Quant aux procédures proprement dites, elles doivent prévoir les modalités :

  • d’analyse des alertes
  • de mise en œuvre des mesures de gel des avoirs
  • de levée de ces mesures
  • d’information du ministre chargé de l’économie lors de la mise en œuvre.

Toutes ces précisions, bienvenues, constituent véritablement la nouveauté de l’arrêté, qui définit clairement cet aspect de la LCB-FT et l’uniformise pour tous les assujettis.

inclusion des filiales dans le mécanisme de conformité et de partage de l’information : les apports pour les groupes

Autre apport non négligeable de l’arrêté, le chapitre 5 définit une plus grande sécurité d’exercice pour les groupes de sociétés, dans un souci de clarification.

Ici encore, l’arrêté consolide les exigences déjà existantes, notamment pour les sociétés-mères qui sont tenues d’élaborer une classification des risques adaptée à la taille et à la nature du groupe.  Elles doivent également développer une méthodologie permettant à toutes les entités filiales d’élaborer leur classification des risques, en cohérence avec celle du groupe (article 21 de l’arrêté).

Il en va de même pour l’organisation et les procédures mises en place par les entreprises-mères qui doivent permettre notamment d’assurer l’efficacité du dispositif LCB-FT, de réduire les risques auxquels le groupe est exposé et de garantir la transmission des informations (article 22 de l’arrêté).

L’arrêté décline ainsi pour les groupes les exigences formulées au titre des entités individuelles, leur apportant par là même une meilleure sécurité juridique, sans toutefois révolutionner la matière.

rappel des responsabilités et du partage des tâches

Ici encore l’arrêté réaffirme des principes déjà existants comme la stricte indépendance entre les personnes exerçant des activités opérationnelles et les personnes dédiées à la seule fonction de contrôle des opérations (article 14).

Il envisage également les fonctions respectives de responsable du contrôle permanent en LCB-FT (article 15) et celle du responsable du contrôle périodique en LCB-FT (article 17). Il précise toutefois que ces deux fonctions peuvent également être assurée par la personne en charge des contrôles permanents ou périodiques, telles que mentionnées dans l’arrêté du 3 novembre 2014.

La matière LCB-FT acquiert certes en autonomie mais s’harmonise parfaitement avec l’organisation interne et l’organigramme existant au sein des organismes assujettis.

Il en va de même avec la gouvernance et le rappel des responsabilités tels qu’issus des articles 25 et 26 de l’arrêté. Les dirigeants et l’organe de surveillance ont pour responsabilité de s’assurer que l’organisme se conforme aux obligations de LCB-FT. L’organe de surveillance est en sus tenu à un examen régulier de la politique, des procédures et du dispositif LCB-FT ainsi que des mesures correctrices mises en œuvre et de leur efficacité.

Rien de véritablement novateur sur ce point précis, encore une fois, l’arrêté reprend des éléments déjà présents dans le corpus des textes existants, les synthétise et les précise en leur donnant force réglementaire en matière de LCB-FT.

 

 

 

Du fait de l’arrêté du 6 janvier 2021, la LCB-FT a maintenant un texte de référence spécifique et autonome.

Par ce travail de reprise des éléments jusque-là disséminés et les précisions concrètes apportées par cet arrêté, les organismes assujettis sont guidés dans la mise en œuvre des exigences qui deviennent dorénavant réglementaires.

Cet arrêté s’inscrit donc dans une continuité tout en apportant un changement capital.

Rien ne change véritablement quant aux exigences pratiques mais tout change fondamentalement, car ces dernières sont maintenant opposables à tous et feront très certainement l’objet de contrôles stricts de l’autorité de tutelle.

L’arrêté du 6 janvier 2021 entre en vigueur le 1er mars 2021 et il précise que les assujettis ont un délai d’un an pour se mettre en conformité notamment pour les contrats d’externalisation conclus avant son entrée en vigueur.

Les contrôles à venir en matière de LCB-FT seront encore plus exigeants. Il en va de la cohérence internationale de la LCB-FT.

Auteur

Jean-Jacques Bernard 

Expert anti-corruption, éthique et conformité, intervenant formateur à L’ESBanque pour le Cycle Expert Conformité