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Rédaction WEB : JUST DEEP CONTENT

La communication, la coordination et le rapprochement entre les professions de la conformité et les métiers opérationnels sont plus que jamais indispensables. Explications et moyens. 

 

La crise sanitaire a permis de réfléchir, analyser ce qui a fonctionné et surtout ce qui pourrait être amélioré dans un contexte organisationnel complexe ou les circuits décisionnels se sont trouvés accélérés et parfois raccourcis.

Il aura fallu évoluer dans un environnement anxiogène et distant, tout en continuant de donner une vision exhaustive du risque de non-conformité et des actions correctrices aux dirigeants et aux actionnaires pour une restitution fidèle et sans délai aux régulateurs. Sans oublier la cible : la satisfaction de la clientèle dans le respect des réglementations. En bref, une période quelque peu chahutée…

Un positionnement indépendant, à proximité des métiers et intégré aux cellules de crise quotidienne aura permis de rendre des avis objectifs et d’accéder rapidement aux instances décisionnaires de l’établissement, lorsque les décisions urgentes devaient être prise pour continuer d’assurer un service qui protège nos clients et nos collaborateurs.

Dans ce contexte, les responsables de la conformité ont dû continuer de gérer les projets déjà lancés, proposer des procédures dérogatoires mais aussi être particulièrement attentifs à d’éventuelles dérives et apparition de nouveaux risques de non-conformité. 

Tous les processus dérogatoires n’étant pas nécessairement transposable post-crise sanitaire, il aura aussi fallu les analyser pour décider de les abroger ou de les pérenniser.

C’est ainsi que la crise sanitaire a pu susciter une véritable évolution des pratiques des professionnels de la conformité, les rendant de facto plus proches des métiers et en coordination plus étroite avec eux. Ce mouvement doit être poursuivi car il est la clé de réussite et d’efficacité des fonctions conformité.

conformité et métiers opérationnels : état des lieux

Où en sommes-nous dans la communication et la coordination entre les métiers de la conformité et les fonctions opérationnelles ?
La crise sanitaire a été un révélateur de nombreuses faiblesses, même si des avancées ont eu lieu.

les faiblesses opérationnelles mises en exergue par la crise sanitaire

La crise sanitaire a pu mettre en évidence certains points critiques des processus de conformité :

  • le manque de gouvernance ainsi que la multiplication d’acteurs peut engendrer l’apparition de « silos » de compétences au sein des directions fonctionnelles : Risques et contrôle permanent, ainsi que conformité (LCB-FT (Lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme), déontologie, protection de la clientèle, DPO (Délégué à la Protection des Données)),
  • l’insuffisance de socle commun, de chemin critique
  • des spécialisations de plus en plus spécifiques et techniques.

Seuls des liens forts entre les départements conformité et opérationnels permettront de mettre en œuvre un programme robuste et cohérent qui répondent à des processus métier et qualité de bout en bout. Cette vision reste dans de nombreux établissement à fluidifier et à consolider.

Ces aspects concernent particulièrement toutes les thématiques transverses (connaissance client, transparence fiscale, conseil et devoir d’information, démarchage bancaire, protection des données personnelles, tarification, traitements des réclamations …).

Pour réussir collectivement, l’entreprise et les services de conformité ne doivent pas perdre de vue leur cible commune de développement, de pérennisation des affaires et de qualité des services proposés à leurs clients externes, mais aussi internes, car ce sont les premiers concernés par les procédures et les outils quel que soit le canal de distribution.

Une autre pression croissante sur les processus est de s’adapter aux différents canaux de distribution, de produit ou service, de spécificité de clientèle, tout en détectant et limitant les possibilités de fraude.

Le chemin critique de la prévention et lutte contre tous les risques doit être rendu le plus fluide possible, tout en continuant à se conformer aux exigences réglementaires.

Les contrôles pertinents de niveaux 1 et de niveau 2 doivent être coordonnés et mis à jour à chaque évolution. Ceci suppose des actions préventives et correctives permanentes de la conformité, gage de pérennité et d’éthique d’une organisation.

La distribution de produits dite « multi-canal », en fort développement, suscite également de nouvelles contraintes d’adaptation à différentes réglementations. Ceci suppose de revoir et adapter constamment les processus de conformité mais aussi les technologies.

De nouveaux outils de digitalisation doivent ainsi être intégrés à des refontes des systèmes d’information déjà nécessaires et planifiés. Ceci n’est pas sans complexifier les feuilles de route et les budgets.

Pour atteindre la cible de satisfaction légitime de la clientèle et des régulateurs, il est indispensable de réfléchir à une harmonisation des concepts « Conformité » et « Contrôle de la Qualité des services rendus ».

mais des avancées vers une conformité opérationnelle

L’environnement des professions de la conformité progresse favorablement vers plus d’opérationnalité sur plusieurs points :

  • les régulateurs tentent d’harmoniser les nombreuses règlementations et s’inscrivent dans l’accompagnement. Les textes se précisent, les établissements se réunissent et travaillent de concert avec les organismes de place pour comprendre les attendus. Les textes ne cessaient en effet de se multiplier et les réglementations parfois de se chevaucher….
  • la mise à disposition par différents acteurs (AFA (Agence Française Anti-corruption), ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution), AMF (Autorité des Marchés Financiers) …) de guides de bonnes pratiques et autres partages pédagogiques. Ces supports permettent de mieux comprendre les attendus, éclaircir certaines zones d’ombre susceptibles de mauvaises interprétations des premières directives ou recommandations, et ceci dans un réel effort pédagogique.
  • des réflexions communes risques, RIL (Référent Informatique et Libertés) et conformité autour de l’harmonisation des règles de l’archivage intelligent. Il est en effet indispensable d’intégrer de nouvelles technologies qui concilieront le concept d’archivage « durable », papier ou digital et les obligations liées à la protection des données personnelles.
    Enregistrer, archiver 10 ans les pièces comptables, 5 ans voir 7 ans pour le devoir de conseil, 5 ans après la fin de la relation dans le cadre de la LCB-FT … tout en respectant le droit à l’oubli…Ce sujet n’a pas fini de faire couler de l’encre…
  • la distribution mutli-canal engendre une réelle prise de conscience de développement d’offres dédiées aux clientèles spécifiques visant à mieux conseiller et protéger les segments de clientèle par canal de distribution.
  • et d’autres thématiques qui mériteraient d’être abordées entre homologues

Du côté des établissements réglementés et pour répondre aux différentes exigences, on peut également constater une montée en compétence mais aussi une multiplication des spécialistes de la maîtrise des risques.

une vision 360° Conformité : une méthode indispensable

Une vision 360° Conformité formalise un chemin critique du risque de non-conformité de l’établissement, lui permettant de rester en cohérence avec les exigences croissantes liées au contexte sanitaire, démographique, géographique, économique, réglementaire, mais aussi au changement d’habitudes des consommateurs.

Vision 360° Conformité
Source : Nathalie Pitault

Cette démarche consiste à :

  • évaluer en continu les effets d’un programme de conformité
  • mesurer les écarts entre les objectifs attendus et les résultats obtenus
  • identifier les dysfonctionnement
  • mettre à jour les forces et les faiblesses d’une entreprise dans sa communication
  • élaborer une stratégie et ajuster sa communication aux attentes de ses publics

Par quels moyens ?

  • en se rendant en permanence à l’écoute des métiers grâce à des réunions quotidiennes de gestion de crise,
  • en gérant des listes de priorité pour créer une relation fluide et continue dans le traitement des projets réglementaires en cours,
  • en personnalisant la relation,
  • en automatisant les demandes d’avis les plus fréquentes, grâce notamment à des FAQ (Foire Aux Questions),
  • en valorisant les tâches à forte valeur ajoutée,
  • en développant des analyses d’impact de la veille réglementaire et en suivant les projets de l’établissement grâce à des indicateurs et des scores objectifs,
  • en intégrant les Comités décisionnels des Directions opérationnelles.

Il s’agit ainsi de placer la conformité autant que possible au sein des métiers opérationnels.

vers une conformité au cœur des métiers

Lorsqu’elle est positionnée au sein même des métiers, la conformité peut devenir un acteur clé de la satisfaction de la clientèle. Une plus grande participation de représentants de la conformité aux analyses d’impact et des risques, aux expressions de besoins ainsi qu’aux phases de recettes permet :

  • d’éviter le déploiement d’outils inadaptés entraînant directement ou indirectement une « non qualité »,
  • la mise en place de formations ou processus trop complexes qui engendreraient au final des risques de non-conformité par mauvaise interprétation ou inadéquation des normes, pratiques, procédures, ou réglementations.

Ces méthodes de travail permettent par ailleurs de développer la confiance de tous, gage de sécurité psychologique, essentielle à une conformité efficace.

L’unité de tous les acteurs du contrôle permanent, des risques et de la conformité participe à la progression individuelle et collective et au développement d’une véritable culture de la conformité. Pour cela, il est nécessaire de :

  • procéder à une revue régulière et à la mise en œuvre du dispositif de conformité,
  • participer aux analyses de risques et à l’identification des impacts prévisibles ou potentiels,
  • rédiger et mettre à jour le corpus documentaire ainsi que les guides de contrôles, notamment en lien avec les politiques et les standards du groupe,
  • étayer les avis de conformité sur la base des documents de référence déclinées par métier,
  • analyser et reporter les incidents de communication identifiés, proposer et suivre la mise en œuvre du plan d’actions correctives défini,
  • contribuer au développement de nouvelles communications, de nouveaux marchés, en appréciant leur faisabilité opérationnelle et leur conformité, en collaboration avec les équipes business, opérationnelles, risques et juridiques,

Ceci suppose une organisation spécifique consistant à :

  • protéger l’entreprise contre le risque de sanction et de réputation,
  • donner une vision transversale et stratégique de l’entreprise, une connaissance approfondie de la réglementation et du risque inhérent au processus de l’établissement, afin de détecter les failles organisationnelles,
  • sensibiliser les parties prenantes dont les Maîtrises d’Ouvrage et Maîtrises d’œuvre au risque de non-conformité,
  • contrôler le respect des procédures en adéquation avec les contraintes de l’entité,
  • documenter et rapporter les alertes critiques à la direction générale,
  • collaborer avec l’ensemble des départements
  • instaurer une cohésion d’ensemble autour d’un système de valeurs communes en développant des réflexes conformité et une culture conformité.
Les clefs pour la mise en place d’un dispositif de conformité opérationnelle :

  • communiquer aussi bien en transversal qu’en vertical.
  • rendre le département de la conformité visible dans l’entreprise via des journées ou séminaires conformité.
  • trouver des relais de communication et d’informations, des correspondants métiers : il n’est pas possible d’être partout mais nécessaire d’être là quand il le faut…
  • organiser de brèves interventions en introduction des formations métier pour les sensibiliser le cas échéant au risque de réputation qui pourraient les impacter.
  • alterner formation et communication : utilisez des techniques de communication (utiliser des mises en forme accessibles, attrayantes, utiliser des supports interactifs tels les quiz …).
  • optimiser les reporting pour faciliter la compréhension et escalader les risques de manière objective.
  • rester en contact avec des homologues sur les grands thèmes et les nouvelles techniques, afin de partager les interrogations et les meilleures pratiques.
  • transmettre des informations compréhensibles et accessibles aux lecteurs des reporting. Ajouter tables des matières, être attentif aux différentes compétences, langues, technologies ou appétences aux risques, ou bien encore insérer des glossaires dans les utilisations des termes techniques, acronymes ou noms d’applications informatique facilitent la clarté de lecture.

 

La communication ainsi que la précision, le détail et l’accessibilité des informations transmises sont des sujets clés permettant aux parties prenantes, professionnels de la conformité et métiers opérationnels, de collaborer efficacement à la performance de l’organisation.

L’évolution de l’activité et la crise sanitaire que nous venons de vivre le démontrent, il est essentiel de considérer que la « conformité sur étagère » n’existe pas.

Les professionnels de la conformité doivent travailler en étroite association avec les métiers, les juristes et les risques opérationnels, afin de développer une activité efficace et pérenne.

Auteurs
Nathalie Pitault et Miriasi Thouch   

Nathalie Pitault – Responsable Conformité 
Miriasi Thouch – Responsable Expertise métiers et Ingénierie pédagogique – Learning Factory ESBanque

 

Sources : 

  • 365 risques en entreprise : Une année en risk management – Jean-David Darsa – Edition Gereso – Octobre 2017
  • Gouvernance et fonctions clés de risque, conformité et contrôle dans les établissements financiers: Banques, assurances, sociétés de gestion – Marie-Agnès Nicolet – RB Edition – Octobre 2015