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Le groupe Wolfsberg : rôle et importance dans une industrie mouvante

Le groupe Wolfsberg : rôle et importance dans une industrie mouvante

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction WEB : JUST DEEP CONTENT

Qu’est-ce que le groupe Wolfsberg ? Quel est son rôle dans la lutte contre les risques LCB-FT ? Quelles actions a-t-il mené depuis 20 ans ? Quels sont les défis et actions à venir ?

 

Créé dans les années 2000 à la suite de la recommandation du Groupe d’action financière (GAFI) sur la lutte contre le blanchiment d’argent, le groupe Wolfsberg est un groupe informel de banques internationales.

Le groupe est composé de 13 acteurs majeurs du secteur bancaire international. Il s’est accordé sur un ensemble de directives globales de bonnes pratiques à portée non réglementaire, afin d’adopter un code de conduite commun visant à enrayer le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ce Groupe, à l’initiative d’UBS, Crédit Suisse et Citigroup, a été rejoint par Banco Santander, Bank of America, Barclays, Deutsche Bank, Goldman Sachs, HSBC, JP Morgan Chase, MUFG Bank, Société Générale et Standard Chartered Bank.

Le groupe Wolfsberg s’est donné pour mission de promouvoir des normes de conformité élevées pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur bancaire mondial.

Il a élaboré une série de principes directeurs pour aider les banques à identifier, évaluer et gérer les risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme dans leurs activités quotidiennes.

Ce groupe est également impliqué dans l’élaboration de textes réglementaires, en collaborant avec des organisations telles que le GAFI, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire et d’autres régulateurs régionaux.

En collaboration avec certaines organisations non gouvernementales comme Transparency International, le groupe Wolfsberg se réunit régulièrement afin d’échanger et produire des guides de standards et orientations opérationnelles à portée non réglementaires. Le but est de décrire, de manière précise, le rôle que doivent jouer les institutions financières dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et de lutte contre le terrorisme.

Les différents participants à ce groupe estiment que la mise en place de ces principes permettra aux établissements financiers de mieux connaître, classifier et gérer les risques de blanchiment et financement du terrorisme auxquels ils font face au quotidien. Une connaissance de ses propres risques à travers une cartographie, des échanges et retours d’expérience et une harmonisation des standards des institutions financières autour du globe permettront de prévenir les flux financiers à caractère criminel.

Pour cela, les membres de ce groupe s’engagent à mettre en place des contrôles et processus robustes afin de lutter contre la délinquance financière.

SOMMAIRE

  • Groupe Wolfsberg : quels objectifs et standards ?
  • Groupe Wolfsberg : quelles contributions en termes de gestion des risques de blanchiment et de financement du terrorisme ?
  • Groupe Wolfsberg : nouveaux challenges et agenda dans un environnement évolutif

 

Groupe Wolfsberg : quels objectifs et standards ?

 

Les principes du groupe Wolfsberg servent de code de conduite pour les banques dans le monde entier.

Ces principes ont pour but :

  • d‘harmoniser la compréhension et le contrôle des risques de blanchiment de capitaux et les règles en termes de connaissance client (KYC, Know Your Customer)
  • et d’encourager les banques à s’échanger des informations pour optimiser et ajuster les moyens à disposition dans la gestion des risques.

En développant des guides et publiant des orientations pour l’encadrement et la gestion des risques des potentiels flux criminels liés à la lutte anti-blanchiment, au financement du terrorisme et à la connaissance client, cette gouvernance fait des acteurs bancaires et financiers un pivot de leur propre surveillance financière.

Pour cela, le Groupe se fixe des lignes directrices et met en place des ateliers et travaux réguliers afin de publier des notes à portée internationales. A travers ses parties prenantes diverses et variées, et son expertise dans les différents secteurs financiers, le groupe Wolfsberg s’est construit une réputation et est devenu une organisation non-gouvernementale clé dans le domaine.

L’objectif premier de ce groupe de banques est de développer des standards en termes de lutte anti-blanchiment, connaissance client et financement du terrorisme afin d’orienter les institutions financières dans la rédaction de leur corpus procédural en ligne avec les réglementations internationales.

Ces standards sont revus régulièrement afin de prendre en compte et englober les évolutions du marché, les nouvelles activités financières ainsi que les nouvelles spécificités géographiques.

La portée d’intervention du groupe s’étend aux domaines de la corruption, de la gestion des personnes politiquement exposées, aux sanctions économiques, à l’utilisation de l’intelligence artificielle, aux secteurs financiers émergents …

Les notes et mises en avant des meilleurs pratiques pour encadrer les risques liés à la LCB-FT (Lutte contre le Blanchiment des Capitaux et le Financement du Terrorisme), sans portée réglementaire, deviennent des standards internationaux clé, notamment le Questionnaire Wolfsberg. Il s’agit d’une évaluation continue des risques, effectuée au niveau de l’entreprise, qui examine ses risques inhérents, les mesures de réduction du risque et leur efficacité, ainsi que les risques résiduels.

Ces orientations publiées par le groupe viennent en complément des textes réglementaires parfois théoriques, en apportant une approche fondée sur les risques.

Elles donnent une vue d’ensemble des indicateurs de risques qu’une institution devra envisager lorsqu’elle établira une relation commerciale avec un prospect en fonction des zones géographiques et produits proposés. Par définition, les clients et produits financiers les plus risqués devront être soumis à un devoir de surveillance accru.

De ce fait, la principale ligne directrice du groupe Wolfsberg est la transparence, en accord avec les textes réglementaires publiés par les différents législateurs autour du globe.

Cette transparence prônée par le groupe Wolfsberg afin de lutter contre le blanchiment de capitaux comporte deux volets principaux :

  • l’origine et la destination des fonds
  • la connaissance continue des bénéficiaires effectifs des entités.

A noter :

Les principes LCB-FT publiés par le groupe n’ont pas de portée légale directe mais affectent directement le secteur financier et bancaire y adhérant volontairement. Ces principes, établis en étroite collaboration avec les autorités compétentes dans les différentes zones géographique, correspondent à un standard de gestion des risques financiers et bancaires.

 

Nous pouvons résumer les actions de ce groupe en quatre points :

  • Le développement de standards sectoriels basés sur les textes réglementaires applicables et normes internationales. Cela inclut pour partie la connaissance client, le « risk assessment », et le développement de nouveaux outils de gestion d’alertes.
  • La promotion des meilleures pratiques de marché. Le groupe promeut la mise en place des meilleures pratiques de gestion des risques LCB-FT dans le secteur financier. Il encourage ainsi le partage d’information et de connaissances entre les membres et la mise en place de ces dernières.
  • La collaboration avec les régulateurs locaux et régionaux. Le groupe travaille en étroite association avec les régulateurs afin de promouvoir des mesures efficaces de gestion des risques de non-conformité.
  • L’amélioration de l‘image du secteur bancaire en promouvant les meilleures pratiques et en démontrant la proactivité du secteur bancaire lui-même et sa prise de conscience total de ces sujets, incluant la transparence, l’intégrité et l’éthique.Haut du formulaire

 

Groupe Wolfsberg : quelles contributions en termes de gestion des risques de blanchiment et de financement du terrorisme ?

 

Depuis sa création il y a 23 ans, le groupe Wolfsberg a contribué de manière significative à la gestion des risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.

Voici en 4 points ses principales contributions :

  • Le développement de principes et de normes : le groupe Wolfsberg a produit plusieurs principes, normes et notes d’orientation pour aider les banques à gérer les risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Ces normes et principes visent à promouvoir des pratiques efficaces de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur bancaire.

En plus de 20 ans, le groupe wolfsberg a publié pas moins de 20 standards allant du financement du terrorisme à l’évasion fiscale en passant par les personnes politiquement exposées ou encore les banques correspondantes.

Le « correspondant banking » est un exemple parfait de l’adaptation du groupe Wolfsberg aux évolutions de marché. En 2004, le groupe a publié un questionnaire de 28 questions auxquelles les institutions financières devaient répondre pour satisfaire les critères. A ce jour, le questionnaire a été adapté et le nombre de questions est passé à 128 pour prendre en compte d’une part la complexité des activités et des techniques potentielles de blanchiment observées et d’autre part la réglementation croissante. Le questionnaire inclut ainsi divers sujets comme les sanctions internationales, la lutte anti-corruption et autres délits financiers.

  • La promotion de la transparence : le groupe Wolfsberg a encouragé les banques à améliorer leur transparence en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, en :
    • promouvant la divulgation de données et d’informations utiles aux autorités de régulation et aux organismes chargés de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Par exemple, le groupe a publié des notes d’orientation pour aider les banques à comprendre ce qu’elles doivent divulguer en termes d’informations relatives à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
    • encourageant les banques à communiquer de manière transparente avec leurs clients. Par exemple, le groupe a développé des principes de « due diligence » afin d’encourager les banques à communiquer clairement avec leurs clients sur les exigences en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
    • soutenant les efforts de transparence de l’industrie bancaire en général, en travaillant avec d’autres organisations et associations afin de développer des normes de divulgation pour les banques et d’encourager une plus grande transparence.

En incitant les acteurs financiers à améliorer leur transparence et adapter leurs ressources disponibles en fonction des risques auxquels ils font face, le groupe Wolfsberg a contribué à renforcer les pratiques de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur bancaire, tout en renforçant la confiance du public dans le système financier.

  • La collaboration avec les autorités de régulation : le groupe Wolfsberg a travaillé en étroite association avec les autorités de régulation et les organismes chargés de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Les membres du groupe soutiennent l’élaboration de normes internationales et de règles applicables à la LCB-FT. Le groupe, avec son importance croissante au gré des années, participe à des discussions et donne son avis dans le cadre de l’établissement des nouvelles lois. La première consultation avec le privé s’est faite par le GAFI, en 2005, au sujet de l’approche par les risques. Depuis, de multiples consultations se font du public vers le privé et inversement.
  • La promotion de la formation et de l’éducation : le groupe Wolfsberg favorise la formation et l’éducation des banques sur les risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Le groupe organise des ateliers et des formations pour les membres, ainsi que pour les acteurs de l’industrie et les parties prenantes, afin de sensibiliser à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

 

Source : The Wolfsberg Group

 

Le groupe Wolfsberg a ainsi joué un rôle important et proactif à travers les années dans la promotion de pratiques efficaces de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur bancaire.

Ses normes, principes et notes d’orientation ont contribué à renforcer les pratiques de LCB-FT, tout en renforçant la collaboration entre les banques, les autorités de régulation et les organismes chargés de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

 

Groupe Wolfsberg : nouveaux challenges et agenda dans un environnement évolutif

 

Les priorités du groupe Wolfsberg sont publiées annuellement et sont axées sur la promotion de pratiques exemplaires en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le secteur bancaire et financier.

Les membres du groupe se réunissent régulièrement pour discuter des enjeux actuels et des nouveaux défis auxquels est confronté le secteur. Ces sujets sont d’une importance accrue en cette période où de nouveaux et nombreux produits financiers sont controversés et où le contexte géopolitique est au plus tendu depuis la création du groupe dans les années 2000.

Parmi les nouveaux challenges auxquels le groupe Wolfsberg doit faire face, on peut citer :

  • l’émergence de nouveaux acteurs et de nouvelles technologies, telles que la blockchain
  • l’importance croissante des cryptomonnaies dans le secteur financier,
  • la nécessité de coordination internationale dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, notamment en raison de l’augmentation des flux de capitaux transfrontaliers et des risques d’opacité dans leur origine et leur destination. Cette coopération internationale ne peut se réaliser sans la prise en compte des sujets géopolitiques.
  • les évolutions réglementaires en cours dans différents pays et régions du monde, pouvant donner naissance à de nouvelles pratiques de blanchiment et de financement du terrorisme.

L’agenda du Groupe Wolfsberg est constitué de sujets plus traditionnels tels que :

  • la connaissance client
  • la correspondance bancaire
  • le filtrage des transactions financières qui est une des priorités de beaucoup de régulateurs à travers le monde
  • ainsi que le sujet de l’évasion fiscale qui requiert des mises à jour constantes afin de s’adapter aux évolutions de marchés, des produits financiers et techniques utilisées.

En plus de ces sujets phares, le groupe doit traiter de nouveaux thèmes comme les nouvelles méthodes de paiement, incluant les cryptomonnaies qui ne sont pas régulés et qui peuvent représenter un risque élevé de circulation de flux d’origine criminelle ou à destination d’organisations criminelles.

Une autre préoccupation urgente est le sujet lié aux principes ESG (Environnement, Social et Gouvernance).

Toutes les priorités citées nécessitent une action rapide, efficace et collective pour traiter le problème à sa source afin de bloquer tout flux criminel et imposer des contrôles basés sur les risques en prenant en compte trois critères principaux :

  • le type de produit,
  • le type d’investisseur
  • et la localisation géographique.

L’indépendance du groupe est un atout majeur dans l’établissement de normes rapides afin d’aider les institutions financières dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de répondre de manière proportionnée à un secteur extrêmement évolutif.

 

Ainsi, depuis sa création il y a plus de 20 ans, le groupe Wolfsberg est un acteur de « soft-law » clé dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Alors que les défis en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ne cessent d’évoluer, le groupe Wolfsberg continue à développer des pratiques et des normes adaptées à ces nouveaux enjeux. Le groupe joue un rôle important dans la promotion de la transparence et de l’intégrité du secteur financier, en travaillant pour renforcer la confiance du public dans les institutions financières et en contribuant à la sécurité économique et financière mondiale.

 

 

Auteur

Jules CHARTIER

Assistant Vice-Président Sécurité Financière , Diplômé du Cycle Expert Conformité de l’ESBanque

Gatekeepers : avocat, comptables, notaires, quel rôle dans la connaissance client ?

Gatekeepers : avocat, comptables, notaires, quel rôle dans la connaissance client ?

Temps de lecture estimé : 11 min

Rédaction WEB : JUST DEEP CONTENT

Les gatekeepers deviennent les acteurs clés de la lutte contre le blanchiment de capitaux. Qui sont-ils ? Quels sont leurs rôles et obligations règlementaires ?

La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme prend place plus que jamais sur tous les fronts, gouvernementaux avec notamment le Groupe Egmont ou encore le Comité de Bâle, bancaire avec le Groupe Wolfsberg ou international avec le GAFI.

Au quotidien, cette action repose en grande partie sur les institutions financières et intermédiaires financiers assujettis. Cette lutte passe par la connaissance client en collectant, analysant et contrôlant les informations fournies par les clients aux institutions financières (processus KYC, Know Your Costumer) mais son champ d’application s’est étendu en intégrant les recommandations et orientations du GAFI. Le rapport de 2013 du GAFI souligne notamment le rôle central des « gatekeepers », gardiens du système financier en termes de LCB-FT.

Il n’y a pas de définition instituée de la notion de « gatekeeper », mais le GAFI la définit brièvement comme une personne ou entreprise non-financière et toutes professions qui peuvent recevoir la confiance d’une tierce personne. Ceci inclut les avocats, notaires, agents immobiliers, fiducies, casinos, comptables et autres professions indépendantes.

Les récents scandales et fuites de données massives relatives à des montages financiers très complexes pouvant mener à de l’évasion fiscale, corruption et blanchiment de capitaux montrent le rôle central que jouent les gatekeepers dans ce combat. Ces professions, par leur expertise, sont en effet au premier rang de la provenance et de la destination de fonds mais aussi de l’identification des bénéficiaires effectifs de personnes morales.

Gatekeepers et obligations LCB-FT

 

Les gatekeepers ont naturellement une position centrale dans les processus de lutte contre le blanchiment des capitaux et par conséquent des obligations règlementaires spécifiques.

 

Rôle des gatekeepers dans la LCB-FT

Le blanchiment d’argent suit un processus en trois étapes :

  • Le placement: introduction de l’argent provenant de crime dans le système financier d’un pays
  • L’empilage: consistant à cacher l’origine des fonds en multipliant les opérations bancaires et financières ou en ayant recours à des montages financiers complexes
  • L’intégration: investissement de l’argent d’origine frauduleuse dans des circuits légaux

Source : Gatekeepers’ roles as a fundamental key in money laundering – Paku Utama ,Indonesia Law Review – May August 2016

 

Les gatekeepers se trouvent généralement à une étape clé et sensible du processus de blanchiment : le placement.

C’est notamment par ces intermédiaires que peut transiter l’argent d’origine illicite pour être intégrée au système financier classique et par conséquent que le processus de blanchiment peut commencer. En pratique, toutes les transactions à but de blanchiment ne suivent pas toujours les trois étapes. De par leur connaissance et expertise du système financier, les fraudeurs et leurs intermédiaires peuvent combiner certaines étapes.

 

Les gatekeepers, à l’entrée des systèmes financiers, peuvent donc être vulnérables et approchés par les criminels voulant blanchir des capitaux. Ayant des connaissances accrues des systèmes financiers, des divers régimes fiscaux et des réglementations offshore souvent non-équivalentes, les gatekeepers sont sollicités pour :

  • Créer et gérer des contrats légaux souvent complexes comme les trusts dans le droit anglo-saxon (fiducie) ou encore des fondations qui peuvent être utilisés pour cacher l’origine des fonds et les bénéficiaires effectifs
  • Acheter ou vendre des biens immobiliers: le transfert de propriété est une technique utilisée par les blanchisseurs afin d’intégrer des fonds d’origine illégale dans le système financier
  • Servir de tiers introducteur auprès d’institutions financières régulées dans des pays équivalent
  • Fournir des conseils fiscaux pour optimiser les charges fiscales ou placer des titres en cachant le détenteur final de ces derniers.

 

Les gatekeepers jouent donc un rôle essentiel pour le système financier dans la connaissance clients.  Ils sont en première ligne de la détection des opérations de blanchiment de capitaux et ne doivent pas céder à des actions de corruption visant à utiliser leur expertise pour crédibiliser et cacher ces actions criminelles.

 

Gatekeepers et obligations réglementaires LCB-FT

Le blanchiment de capitaux est défini pénalement comme un délit qui consiste à masquer, par tout moyen, l’origine des biens et/ou revenus issus d’un crime ou d’un délit. Est aussi considéré comme blanchiment le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation de l’origine ou la conversion de fonds d’origine illicite.

Les institutions financières classiques comme les banques, mais aussi les notaires, avocats ou encore comptables, sont des professions considérées comme « gatekeeper », c’est à dire celui qui garde la porte d’entrée au système financier.

 

A ce jour, le dispositif mis en place dans le monde économique et financier repose sur une évaluation des risques LCB-FT par les professionnels propres à chaque activité, et ceci pour tout type de clients et opérations effectuées.  Ces professionnels doivent mener les diligences adaptées aux types de risques engendrés par la situation et y consacrer les ressources nécessaires.

À minima, des procédures de contrôles et de gouvernance simples doivent être mises en place (vérification de l’identité du client et du bénéficiaire effectif). Il relève de la responsabilité des « gatekeepers » d’effectuer cette évaluation du risque et de mettre en place les processus adaptés au risque de blanchiment rencontré.

 

Les obligations réglementaires ont progressivement été renforcées par les différents textes de loi transposant les directives européennes anti-blanchiment mais aussi avec l’aide du GAFI dont les recommandations font office de véritables références sur le marché.

Ces textes affirment et précisent notamment les obligations des « gatekeepers ». Ces professions sont ainsi soumises aux obligations :

  • de vigilance et de déclaration de soupçon
  • de mise en place des systèmes d’évaluation et de gestion des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme,
  • de diffusion de procédures et d’informations régulières à l’ensemble des employés afin de les sensibiliser et les former à ces risques.

 

Ces obligations se traduisent de manière pratique par l’identification des clients, de l’objet de la relation d’affaires et la nature de cette dernière. Tout processus d’identification du client doit être adapté au niveau de risque LCB-FT évalué lors de l’évaluation des risques préalablement effectuée sur le client, afin d’adapter le niveau de vérification nécessaire.

Pour éviter toute opacité, les « gatekeepers » ne peuvent plus opposer le secret professionnel pour se soustraire à leurs obligations, notamment réglementaires, en termes de déclaration de soupçon.

En incluant ces professions au spectre réglementaire de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, les régulateurs ont pour objectif d’optimiser la connaissance client afin de contrecarrer les montages de blanchiment des criminels.

 

Gatekeepers et connaissance client : un rôle clé dans la première ligne de défense LCB-FT

 

Le terme de KYC (Know Your Customer ou Connaissance client), maintenant familier des professions financières, englobe à la fois les obligations réglementaires imposées aux assujettis autour de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, ainsi que tous les processus associés découlant de ces obligations.

Ce processus de connaissance client vise à vérifier le profil des clients (personne morale et personnes physiques) avant d’entrer en relation d’affaire mais aussi tout au long de cette dernière. Cette connaissance client permet de monitorer l’adéquation des opérations effectuées par le client avec son objectif et la nature de la relation d’affaire.

 

L’enjeu principal est la lutte contre la criminalité financière (blanchiment, financement du terrorisme, fraude financière, évasion fiscale…).

Les derniers scandales financiers et fuites de données massives relatifs au blanchiment (Panamas Papers, Pandora Papers, Danske Bank …) soulignent l’importance de la connaissance client. Cette obligation est devenue l’une des priorités des régulateurs à l’échelle européenne.  Leur action s’est traduite par le durcissement des réglementations et des obligations s’appliquant aux personnes assujettis. De manière justifiée, les régulateurs font de la connaissance client (KYC) une pierre angulaire de la lutte contre le blanchiment de capitaux.

Le KYC, va bien au-delà de la simple application de la réglementation, c’est aussi un point clé de la relation d’affaire avec le client.

Une connaissance client maitrisée permet non seulement de se conformer aux obligations réglementaires mais permet aussi d’optimiser l’approche commerciale afin de proposer des produits adaptés au profil client.

 

Les « gatekeepers », souvent sollicités pour des opérations plus complexes pouvant présenter un risque accru de fraude ou de blanchiment, sont d’autant plus concernés par la connaissance client. L’expertise de ces professionnels est recherchée par les criminels dans l’objectif de dissimuler l’origine des fonds en leur possession. Leurs compétences permettent en effet de créer des montages et structures financières complexes, impliquant souvent des juridictions à haut risque de blanchiment et fraude, où les institutions financières sont peu regardantes et les régulateurs peu actifs en termes de contrôle et de sanctions.

Il appartient donc à chaque entité assujettie de définir leur propre évaluation des risques LCB-FT, en tenant en compte de différents facteurs (géographie, produits et services proposés, canal de distribution… ) et de définir leur process internes afin d’appliquer le niveau de vigilance adaptés à la situation.

 

Mais alors comment mettre en place une connaissance client efficiente dans la lutte contre le blanchiment de capitaux ?

Une bonne connaissance client passe avant tout par une collecte de document afférent aux clients afin de pouvoir établir un lien entre les fonds du client, sa situation personnelle et professionnelle et ses objectifs relatifs à la relation d’affaire.

Tous les documents recueillis doivent être analysés par les professionnels des établissements assujettis afin de vérifier leur véracité et lien avec la situation établie par le client.

Une fois le profil du client établi et sa situation patrimoniale vérifiée, les opérations pourront être effectuées en adéquation avec les objectifs d’investissement originairement établis.

 

Une bonne connaissance client passe par l’établissement et le respect de procédures et de règles de gouvernance. Les établissements assujettis ont la responsabilité de mettre en place le cadre de connaissance client et la vérification des dossiers clients, au minima par un contrôle dit des quatre yeux.

Cette transparence entre le client et l’établissement assujetti permet une meilleure compréhension des opérations et activités réalisées et un meilleur conseil et orientation de la part des professionnels.

Avec leurs connaissances extrêmement pointues sur des sujets sensibles de blanchiment de capitaux, tels que les différents systèmes fiscaux à travers le monde, et leur pouvoir de certification de documents des clients potentiellement dans des pays à haut risques, les « gatekeepers » se trouvent être une porte d’entrée privilégiée des criminels.

 

Ce processus de KYC, obligation réglementaire et véritable pierre angulaire de la LCB-FT, est à la base de toute déclaration de soupçon et demande de justification d’opérations effectuées par les divers clients. Sans connaissance client, il est impossible de déclarer aux autorités compétentes et de documenter toute situation potentiellement à haut risque, comportement anormal ou tout soupçon aussi bien en raison d’incohérence dans le dossier client ou d’opération sans objectif économique clair et justifié. Sans connaissance client et sans recherche et transparence de la part des « gatekeepers », la lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme se trouve dans l’impasse.

 

Avec le renforcement des textes réglementaires, les contrôles toujours plus pointus des régulateurs et l’application stricte au quotidien des obligations, on observe depuis plusieurs années, selon les rapports de TRACFIN, une conséquente augmentation des déclarations de soupçon par les « gatekeepers ». Ces derniers sont une source croissante de déclarations auprès des autorités compétentes. Ceci s’explique par leur niveau d’exposition au risque de blanchiment.

Néanmoins, les gatekeepers font souvent parti de petite entreprises et leurs moyens consacrés à la lutte anti-blanchiment sont parfois limités en terme humain, de budget et d’outils de détection.

 

Depuis plusieurs années, les secteurs se dotent de moyens de plus en plus importants et automatisés afin d’appréhender au mieux le risques de LCB-FT. Par exemple, le Conseil Supérieur du Notariat (CSN) a ouvert un accès à une base de données afin d’identifier les personnes politiquement exposées (PEP) ou biens les individus dont la notoriété est à prendre en compte lors de l’évaluation des risques client. De nombreux outils d’information et séances de formation sont aussi développés sur le marché afin d’augmenter la sensibilité des collaborateurs exposés et de détecter les « negative news » concernant les clients. Ces efforts traduisent la prise de conscience réelle de ces professions sur les enjeux de blanchiment.

 

La transparence avec les régulateurs compétents mais aussi entre les régulateurs régionaux reste néanmoins insuffisante. En effet, le dernier bilan de TRACFIN montre que 53% des déclarations de soupçon lui étant remontées ne comportent pas de pièce justificative, ce qui oblige le régulateur à actionner son droit de communication afin de recueillir les informations nécessaires. Par ailleurs, une partie non négligeable des déclarations de soupçon effectuées repose sur des critères et analyses fragiles ne constituant pas de faisceaux d’indices clairs.

Enfin, la création prochaine d’une autorité compétente en termes de LCB-FT à l’échelle européenne, va permettre d’améliorer la coordination entre les régulateurs européens et donner des orientations claires et harmonisées aux pays de l’union européenne.

 

Gatekeepers : forces et faiblesses dans la lutte contre le blanchiment de capitaux

 

Exposés par leurs compétences spécifiques sur des montages complexes, mais aussi du fait de leur parfaite connaissance de réglementations offshore, les « gatekeepers » peuvent faire face à des risques intrinsèques.

Ces vulnérabilités sont liées aux services qu’ils fournissent, à leur expertise dans le domaine juridique et fiscal, à la nature des relations d’affaires entretenues avec les clients et au grand secret professionnel régnant encore dans le secteur.

Les compétences de certains professionnels, notamment les avocats, peuvent être exploitées à des fins de blanchiment et/ou fraude fiscale. Ils peuvent être sollicités pour la mise en place de montages complexes, tels que les empilements de personnes morales « écrans ». La création de ces multiples entités permet d’ouvrir des comptes bancaires dans des pays différents afin de rendre l’origine des fonds très opaque ou de cacher le bénéficiaire effectif des fonds. Selon l’Analyse Nationale des Risques (ANR) réalisée en France, les vulnérabilités propres à la profession d’avocat restent élevées en ce qui concerne le blanchiment de capitaux.

 

Le secteur de l’immobilier est lui aussi au cœur du sujet du blanchiment. Ce phénomène, déjà connu depuis plusieurs années, a été remis en lumière récemment avec la crise Ukrainienne. Comme cela a été souligné́ dans la dernière évaluation de la France par le GAFI, les investissements immobiliers sont une stratégie prisée d’intégration de fonds d’origine illicite.

Les « gatekeepers » et autres entités assujetties sont dans l’obligation de se conformer aux différentes réglementations en vigueur dans leur juridiction, notamment lors de la mise en place de structures juridiques complexes pouvant cacher des fonds d’origines illicites ou des personnes sous sanctions. Le risque est alors extrêmement élevé, puisque ces professions peuvent se transformer en « facilitateur » dans des schémas de corruption ou blanchiment de capitaux. Malgré leurs obligations, les « gatekeepers » sont néanmoins moins régulés que les institutions financières et soumis à moins d’obligations réglementaires selon le GAFI. Ces obligations de transparence envers le régulateur sont en effet en contradiction avec le secret professionnel et la confidentialité qui régissent souvent ces professions.

 

Afin d’aider ces « gatekeepers », dont le rôle est clé dans la LCB-FT,  le GAFI met à disposition une liste de red flags permettant aux entités assujettis de détecter certains comportements suspicieux et tout autre comportement anormal ou suspicieux. Parmi les situations identifiées devant attirer l’attention des gatekeepers, on peut citer :

  • la recherche d’une confidentialité absolue par le client, son souhait d’éviter toute rencontre en passant par un intermédiaire, son refus de fournir certains document requis pour passer des transactions, le fait que le client soit une personne politiquement exposée, ou ait déjà été jugé coupable de crime ou connu pour avoir des liens avec des criminels ou encore curieux sur les processus de contrôle …
  • des parties prenantes résidents dans un pays à haut risque LCB-FT, n’ayant pas de raison économique, répétant des transactions non justifiées sur une courte période ou tentant de dissimuler le nom des bénéficiaires effectifs
  • concernant la source des fonds : une récente augmentation de capital pour une nouvelle entité, un collatéral localisé dans des pays à haut risque LCB-FT, des transactions de montants n’ayant aucun lien avec le bien exporté/importé, des fonds fournis selon une méthode de paiement inhabituelle …

 

En tant que professions exposées au risque de blanchiment de capitaux, les gatekeepers sont au centre des recommandations du GAFI et des réglementations locales, afin de mettre en place un cadre procédural et de contrôle efficace.

Les pays et gouvernements du monde entier ont ajouté de nouvelles responsabilités incombant à certains professionnels comme les avocats, les comptables/commissaires aux comptes, les auditeurs et autres intermédiaires financiers qui ont le pouvoir de bloquer ou faciliter l’entrée d’argent issue de crime dans le système financier. Dans l’Union Européenne, les 40 recommandations du GAFI sont déjà intégrées à la règlementation et couvrent ainsi les avocats, juristes et autres gatekeepers.

 

Les responsabilités de ces professionnels, gatekeepers, inclues l’identification et la connaissance clients, l’établissement de due diligence selon le niveau de risque du client établi lors du « client risk assessment », la conservation des documents clients et la déclaration de toute activité suspicieuse aux autorités compétentes.

Certaines de ces règles interdisent la divulgation aux clients ou tiers parties engagées dans la relation client de toute information relative à une analyse approfondie et/ou déclaration relative à ces derniers. Des sanctions financières, pénales ou encore administratives peuvent être engagées à cet égard contre les gatekeepers, qui deviennent ainsi des acteurs clés de la première ligne de défense contre le risque de LCB-FT.

 

Auteur
Jules CHARTIER​

Assistant Vice-Président Sécurité Financière , Diplômé du Cycle Expert Conformité de l’ESBanque

Règlement Disclosure, dernières dispositions ESG : quelles obligations pour les intermédiaires financiers ?

Règlement Disclosure, dernières dispositions ESG : quelles obligations pour les intermédiaires financiers ?

Temps de lecture estimé : 9 min

Rédaction WEB : JUST DEEP CONTENT

Règlement Disclosure applicable depuis le 10 mars 2021, doctrine de l’AMF : les établissements financiers doivent être en conformité avec les nouvelles règles de la finance durable. Quelles sont ces obligations ?

 

 

Ces dernières années, suite aux crises financières internationales des subprimes et de la dette souveraine, la règlementation s’est principalement concentrée sur la sécurisation et le renforcement de la solidité du système financier.

Bien que la réglementation continue de combler les failles, avec par exemple la mise en place prochaine de Bâle IV, la gouvernance des banques a de nouvelles ambitions et se tourne de manière marquée vers les problématiques environnementales.

Alors que les opérations bancaires quotidiennes n’ont que peu d’impact sur la gestion des risques climatiques, le portefeuille d’actifs et de prêts des banques peut avoir des conséquences significatives sur l’environnement.

La gestion des risques climatiques représente une priorité pour les intermédiaires financiers puisque la probabilité de survenance de tels risques s’est accrue ces dernières années. La transition d’une finance tournée vers le profit à une finance plus durable et responsable est elle-même un changement de modèle dont il faut gérer le risque.

Le règlement dit Disclosure, accompagné des règlements Taxonomie et Benchmark, est un texte fondateur du plan d’action pour la finance durable. La Commission Européenne en a fait une de ses ambitions les plus importantes avec pour objectif la réorientation des flux financiers vers des activités durables et respectueuses de l’environnement.

Ce règlement, entré en application pour l’essentiel au 10 mars 2021, impose aux acteurs des marchés financiers, aux banques, et aux analystes financiers, des obligations de transparence sur les produits et instruments qu’ils commercialisent ou les recommandations qu’ils formulent auprès des investisseurs dit « non-professionnels » au sens MiFID.

Afin d’accroitre la transparence et d’harmoniser les informations disponibles, ces obligations portent sur deux piliers principaux :

  • transparence sur l’intégration et l’explication aux investisseurs des « principales incidences négatives » sur les facteurs de durabilité dans le processus de décisions d’investissement
  • transparence applicable aux produits financiers faisant la « promotion d’une caractéristique environnementale ou sociale », ou ayant un « objectif d’investissement durable ».

Ce projet de normes techniques de réglementation (RTS) est d’une importance toute particulière puisqu’il s’agit des premiers pas d’une réflexion européenne commune sur le sujet.

la finance durable : une priorité de l’amf

La finance durable a été identifiée comme une des huit priorités d’action de l’AMF en 2018 et un axe capital de son plan stratégique à 5 ans.

De manière générale, l’ESG est un des grands enjeux pour la conformité en 2021.

finance durable : les objectifs de l’amf

Comme nous avons pu le constater, le corpus réglementaire récent est en construction sur cette thématique d’actualité. Il a pour objectif d’édicter les règles directement applicables par les différents intermédiaires financiers, d’assurer la cohérence et la qualité de l’information fournies en amont des opérations des investisseurs, afin d’éviter le « ESG-washing » ou greenwashing.

La doctrine AMF 2020-03, en France, participe grandement à cela. Elle s’appuie principalement sur :

  • le Règlement UE n°2019/2088, communément appelé Disclosure, relatif à la publication d’information en matière de durabilité dans le secteur financier,

finance durable et doctrine de l’amf : les concepts clés

La réglementation prévoit la mise en place dobjectifs opérationnels mesurables de prise en compte de critères extra-financiers, dits critères ESG (Écologie – Sociale – Gouvernance).

Cette approche constitue pour les métiers de la conformité et des risques une évolution importante.

Elle est fondée sur un engagement significatif des services de gestion et de conformité sur lesquels elle a un impact fort. Il est nécessaire de fournir des informations plus précises et harmonisées, notamment en amont des contrats de commercialisation, mais aussi dans les reportings aux autorités de tutelles référentes.

Les intermédiaires financiers qui souhaitent promouvoir les critères extra-financiers, écologiques ou sociaux, dans la communication des produits proposés doivent ainsi respecter des standards pour se conformer à la réglementation.

Ils doivent justifier leur approche par un engagement significatif, à travers des objectifs mesurables qui devront être mentionnés dans les documents réglementaires édictés lors de la commercialisation (prospectus, DICI (Document d’information clé pour l’investisseur) …).

Ces objectifs mesurables devront être significatifs pour assurer une réelle distinction entre les approches et apporter des éléments de preuve du caractère durable de l’investissement.

Cet engagement dans la prise en compte des critères extra-financiers se matérialise principalement par l’approche dite « Best-in-Class ».

Cette méthode, très utilisée par les gérants, se base sur des seuils quantitatifs issus du label ISR (Investissement Socialement Responsable) français.

A titre d’exemple, ces approches en « sélectivité » de type « Best-inClass » devront s’engager sur une réduction minimale de 20% des émetteurs disposant de la moins bonne note ESG de l’univers d’investissement.

Pour les autres approches, les sociétés de gestion devront être en mesure de démontrer au régulateur en quoi l’engagement retenu est significatif.

le règlement européen disclosure ou sfdr et l’information en matière de durabilité dans le secteur financier

Le règlement UE n°2019/2088 (SFDR ou Disclosure) a été publié au Journal Officiel le 9 décembre 2019 et régit au niveau européen la publication d’information en matière de durabilité dans le secteur financier.

règlement disclosure : quelques définitions préalables

Pour comprendre la portée du règlement Disclosure, il est nécessaire d’en connaître au préalable les principaux termes :

  • Risque de durabilité : concerne une situation sociale, environnementale ou de gouvernance qui, si elle a lieu, pourrait avoir un impact négatif important en termes de rendement de l’investissement.
  • Incidence négative en matière de durabilité : caractérise une décision d’investissement ayant un impact négatif sur un des facteurs de durabilité (en termes d’environnement, de questions sociales et de personnel, de respect des droits de l’homme et de lutte contre la corruption).
  • Instrument financier mettant en avant des caractéristiques économiques ou sociétales : il s’agit d’un instrument financier (tel que défini par le Réglement SFDR) dont on met en avant des caractéristiques environnementales et/ou sociales durant sa commercialisation.
  • Investissement durable : est caractérisé comme durable un investissement réalisé dans un secteur économique qui contribue à un objectif environnemental, ou à un objectif social. Les entreprises dans lesquelles ces investissements sont réalisés doivent appliquer également des pratiques de bonne gouvernance notamment par une gestion saine, une rémunération juste du personnel et le respect des obligations fiscales qui lui incombent.

règlement disclosure : les objectifs du texte

L’objectif de ce règlement est d’établir des règles de transparence harmonisées pour les acteurs des marchés financiers et les conseillers en investissement financiers.

Il prévoit l’intégration de deux facteurs dans les communications des établissements financiers 

  • les risques de durabilité
  • les incidences négatives en matière de durabilité.

Ces informations doivent figurer dans :

  • les décisions ou recommandation d’investissement,
  • les documents précontractuelles liées aux instruments financiers
  • et les politiques de rémunération des sociétés.

Les banques peuvent être concernées par cette réglementation à plusieurs niveaux, en tant que :

  • producteur d’instrument financiers au sens de MiFID,
  • distributeur, conseiller en instrument financier au sens MiFID et/ou intermédiaire en assurance au sens DDA (Directive des Assurances).

règlement disclosure : portée et périmètre

Cette réglementation concerne tous les nouveaux produits, les modifications des produits déjà existants ou la commercialisation sur le territoire Français d’OPCVM étrangers, à destination d’une clientèle d’investisseurs non professionnels.

Elle s’applique depuis le 10 mars 2021 à tous les produits existants avant le 11 mars 2020.

 En revanche, concernant les modifications réalisées avant cette date, ces dernières doivent seulement faire l’objet d’une information par tout moyen aux investisseurs. Une piste d’audit de cette information aux investisseurs doit être conservée.

Les services juridiques et de conformité devront diviser les produits commercialisés dans leur société en trois catégories afin d’y appliquer ces nouvelles règles :

 

  • les produits sans objectif de durabilité
  • les produits avec caractéristiques environnementales ou sociales (article 8 du Règlement Disclosure)
  • les produits ayant le caractère d’investissements durables (article 9 du Règlement Disclosure)

 

La portée du règlement Disclosure est donc globale et bien plus large que les seuls supports d’investissement durable puisque tout produit est concerné, y compris ceux n’ayant pas d’objectif de durabilité.

Tous les produits commercialisés correspondant aux articles 8 et 9 du Règlement sont soumis à un devoir de publication d’informations spécifiques.

Le Règlement encadre le contenu des informations à publier et la publication sur les sites internet des entités et sur les documents contractuels de commercialisation.

Deux types d’informations sont à prévoir par les distributeurs :

 

  • une information au niveau de l’entité avec publication, sur son site internet, d’informations spécifiques concernant :
    • la politique de gestion des risques de durabilité de l’entité (article 3)
    • les incidences négatives des facteurs de durabilité (article 4)
    • l’intégration des risques de durabilité dans la politique de rémunération (article 5 )
  • une information au niveau des produits commercialisés (articles 8 à 11) :
    • information précontractuelle des clients dans les documents commerciaux (prospectus, DICI…)
    • rapports périodiques (données quantitatives à intégrer au reporting 2022 à destination de l’AMF).
    • incidences négatives des facteurs de durabilité propre à chaque produit commercialisé.
Source : Position – recommandation AMF – DOC-2020-03 – Informations à fournir par les placements collectifs intégrant des approches extra-financières

règlement disclosure : les principales dispositions à mettre en œuvre depuis le 10 mars 2021

Depuis le 10 mars 2021, les établissements financiers doivent être en conformité avec le règlement Disclosure et avoir pris pour cela un certain nombre de dispositions.

transparence sur la politique de rémunération

L’article 5 du règlement précise les obligations des intermédiaires financiers en termes de publication, sur le site internet, de la politique de rémunération notamment dans les activités commerciales.

Il convient d’indiquer comment les méthodes de rémunération mises en place encouragent (ou ne découragent pas) la prise en compte des risques de durabilité dans les processus de décision d’investissement ou de conseil.

Il est important, notamment en matière de conseil, de porter une grande attention à ce point afin de ne pas induire de conflits d’intérêts qui seraient potentiellement préjudiciables à la primauté des intérêts des clients.

transparence sur la prise en compte des risques de durabilité

Selon l’article 3 du règlement, l’intermédiaire financier doit publier des informations sur la politique d’intégration des risques de durabilité dans son processus de décision d’investissement ou de recommandation d’investissement.

Les risques associés au changement climatiques et ceux liés à la biodiversité doivent aussi être pris en compte.

Ces informations doivent, depuis le 10 mars 2021, figurer dans le prospectus du fonds, dans le mandat de gestion ou dans le contrat de conseil en investissement.

L’intermédiaire financier doit expliciter comment il prend en compte les risques de durabilité pour l’ensemble des supports d’investissement qu’il propose. Il doit identifier et quantifier par une estimation les impacts que pourrait avoir un événement social, économique ou de gouvernance sur le rendement des produits recommandés.

transparence sur la prise en compte des principales incidences négatives (pai)

En sus de la publication des informations liées à la politique de rémunération et aux risques de durabilité, les articles 4 et 7 du Règlement imposent aux intermédiaires financiers d’apporter à la connaissance des prospects et clients les principales incidences négatives, dite PAI (Principal Adverse Impact) en matière de durabilité, issues de leurs recommandations d’investissement.

Les potentiels impacts négatifs des investissements financiers ou en assurance sur les facteurs de durabilité doivent ainsi être décrits ainsi que leurs moyens d’identification et de mesure.

Cette communication, réalisée sur une base volontaire jusqu’au 30 juin 2021 et obligatoire depuis, concerne les entreprises de plus de 500 salariés.

Il peut s’agir par exemple d’informations sur le respect de différents codes internationaux ou encore d’une politique d’engagement.

Par ailleurs, les entreprises visées par ce Règlement devront publier annuellement un rapport concernant les impacts de ses investissements financiers ou en assurance et de leurs recommandations sur un certain nombre de critères et leurs évolutions d’une année sur l’autre.

Les critères pris en compte seront définis par les normes techniques de règlementation (ou RTS Regulatory Technical Standards) à venir.

Le 10 mars 2021 s’est ouverte la première période d’observation qui se clôturera au 31 décembre 2021, pour publication d’un premier rapport qualitatif en 2022. L’exercice suivant verra l’application entière des RTS avec un rapport quantitatif.

transparence concernant les caractéristiques des instruments financiers

Les établissements financiers doivent fournir plusieurs types d’informations sur les instruments financiers qu’ils proposent à la commercialisation. Cela concerne :

  • leurs caractéristiques environnementales et/ou sociales

L’intermédiaire financier faisant la promotion de produits financiers aux caractéristiques sociales ou environnementales doit respecter, en accord avec l’article 8, son devoir d’information des clients en intégrant les caractéristiques du/des produits dans le Document d’Information Clé à destination des investisseurs (DICI).

De plus, il doit publier une description précise des caractéristiques sociales et/ou environnementales du produit ou du fonds sur son site internet.

Ces informations doivent par ailleurs intégrer des éléments de compréhension des différentes caractéristiques économiques et/ou sociales du produit proposé, afin de faciliter la transparence et l’appropriation des caractéristiques par les investisseurs.

La standardisation et l’harmonisation des informations précontractuelles fournies seront revues avec les RTS à venir.

  • leurs objectifs d’investissement durable

Selon l’article 9, dès lors que l’objectif d’investissement du produit proposé s’inscrit dans une optique durable et que ses caractéristiques environnementales ou sociales sont mises en avant lors de sa commercialisation, l’intermédiaire financier doit détailler les différences avec un produit ou un indice de marché large comparable et expliquer ainsi ses objectifs spécifiques de développement durable.

 

L’initiative européenne en faveur de la finance durable entre en application en plusieurs étapes.

A ce jour, le règlement disclosure impose à toutes les entités de publier leur politique de gestion des risques de durabilité et d’intégrer les risques de durabilité dans la politique de rémunération déjà existante en leur sein. L’ensemble de ces informations doivent être publiées sur le site internet des entités.

Au niveau des produits, une information précontractuelle est maintenant à fournir aux investisseurs pour tout produit pour lesquels des critères ESG sont mis en avant. L’ensemble de la documentation commerciale des instruments et produits proposés doit intégrer l’information précontractuelle, en plus de la trame dédiée.

Enfin, les gérants conseillant et proposant ces produits aux investisseurs non professionnels doivent être régulièrement formés et en capacité de fournir des conseils les plus objectifs possibles.

Auteur

Jules CHARTIER
Compliance Administrator, Diplômé du Cycle Expert Conformité de l’ESBanque